Le Harceleur, le Directeur, le Médiateur  et le Procureur

Par Philippe ARQUES

Le 9/3/2005

 

Copyright Philippe ARQUES

Actuellement, la victime  d’un  harceleur a le choix entre les  actions suivantes qu’il peut mener ensemble ou successivement:

 

  1. Demander hiérarchiquement que cela cesse sur place  auprès du directeur de  l’institution,

  1. Solliciter une médiation officielle ---Médiateur de  l’Education Nationale par exemple--- ou officieuse:  syndicat.

  1. Déposer une plainte devant un tribunal auprès du  procureur de la République.

 

Ces 3 actions sont contradictoires et donc le résultat est  favorable au harceleur!

 

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Demander au Directeur que cela cesse

 

C’est toujours le premier réflexe. Ce n’est pas toujours le  meilleur. En effet, si le harcèlement s’est installé au vu et au su de  tout le monde c’est parce qu’il n’y a aucun arbitre potentiel  capable d’arrêter cette relation humaine déviée. S’il y en avait un,  il n’y aurait pas de harcèlement.

 

Par conséquent, demander au Directeur que cela cesse est  souvent voué à l’échec. Les seuls cas où une telle demande peut  parfois réussir: c’est lorsque le responsable hiérarchique est  suffisamment éloigné du pervers pour (1) ne pas voir ce qui se  passe et donc dans l’ignorance, (2) n’avoir aucun lien de  dépendance avec lui, (3) avoir une éthique, (4) être suffisamment  délicat pour ne pas tolérer la déviation perverse.

 

Solliciter le Médiateur

 

La médiation doit être distinguée de la prise en charge du  harcelé en particulier par un membre proche. La prise en charge  n’est pas une médiation même si parfois  elle comprend de telles  phases.

 

La médiation officielle peut être effectuée auprès une  personne désignée pour cela: Médiateur de l’Education Nationale,  par exemple, pour le personnel de cet établissement.  La médiation  officieuse nécessite que le harcelé recherche et fasse émerger un  médiateur qui n’est pas prévu pour cela: syndicat par exemple.

 

Pour le harcelé, la médiation présente des avantages:  rapidité de décision et de clôture de la plainte, possibilité de  conserver un lien de travail avec le harceleur, discrétion. Mais  aussi des inconvénients: appauvrissement du respect de sa  personne car la sanction est atténuée pour le harceleur afin de  respecter le principe «gagnant/gagnant»

 

Souvent, le harcèlement étant une série d’actions dégradées vis-à- vis de la personne du harcelée et de réponses de cette dernière, le  médiateur se trouve face à un dossier volumineux où il est parfois  difficile de distinguer le harceleur du harcelé. Il peut avoir la  tentation de confondre l’un et l’autre avec pour conséquence un  rejet de la demande de médiation!

 

Déposer plainte devant le Procureur.

 

Bizarrement, en France, les seuls tribunaux où il est  possible de porter plainte pour harcèlement sont des tribunaux particulier: Tribunal  administratif, Conseil d’Etat  et Cour des Comptes pour les  fonctionnaires et prud’homme pour les conflits du travail dans les entreprises privées. Tribunal des  divorces dans le cas du harcèlement conjugal. Il n’est donc pas  possible de faire juger le harcèlement au même titre et dans les  mêmes conditions que les vols, les agressions, les injures et  insultes, les meurtres, etc. qui, pourtant sont parties prenantes du  harcèlement.

 Ceci est si vrai :

Le jugement est ainsi fait devant des tribunaux qui  fonctionnent selon des normes qui ne sont pas celles de l’ensemble  de la communauté du pays mais en fonction des lois particulières  (lorsqu’elles existent!) pour les fonctionnaires et pour les agents  du privé. Ceci explique que le harcèlement moral ou sexuel n’a été  reconnu que fort tardivement par les Tribunaux administratifs, pas  encore par le Conseil d’état et reste vraisemblablement ignoré pas  la Cour des Comptes.

 

Aux Etats Unis le harcèlement est jugé par des tribunaux classiques comme un meurtre, un vol ou autre défaillance. Les sanctions et indemnités sont donc comparables.

Il y a pire dans l’administration puisqu’il existe des tribunaux internes appelés « Conseil de discipline » à deux ou 3 étages étages. Dans l’Education Nationale, le deuxième étage est constitué par la section disciplinaire du CNESER. Le CNESER est un organisme paritaire qui comprend des représentants de l’administration et des représentants élus des personnels, généralement ce sont des membres des syndicats. Le CNESER est réputé pour son éthique. Les petites histoires de méchancetés locales n’ont de prises avec lui.

Le Conseil de discipline est hors des lois de notre pays. Cela signifie qu’un usager peut gagner sur un conflit avec sa hiérarchie devant le Tribunal Administratif et perdre devant le Conseil de Discipline où la même hiérarchie est présente et donc partie prenante : à la fois juge et partie. Si elle ne l’est pas officiellement elle l’est officieusement par les représailles et les cadeaux qu’elle est susceptible de mettre en place dans l’établissement.

Ainsi, un enseignant est harcelé par le responsable hiérarchique sur un point particulier de ses prestations, par exemple : il a effectué des photocopies sans demander la permission à son supérieur hiérarchique sur une photocopieuse en libre-service pour le personnel. Il présente un recours devant le Tribunal Administratif. Il gagne, donc il a le droit de faire des photocopies sans demander la permission. Le responsable hiérarchique demande sa traduction devant le conseil de discipline pour avoir effectuer des photocopies sans permission. Si le Conseil de discipline sanctionne l’enseignant, pour faire supprimer la sanction, le fonctionnaire est obligé de redéposer un recours devant le Tribunal Administratif qui a déjà rendu un jugement positif à son égard. Ne parlons pas des coûts, du stress : être  jugé à 3 reprises pour avoir fait des photocopies, mais du temps. L’ensemble des procédures est de plusieurs années pour quelques photocopies effectuées sans demander la permission.

N’existe-t-il pas d’autres procédures à mettre en place pour résoudre les petits conflits internes dans un établissement ?

Tribunaux administratifs et Conseil d’Etat

 

Devant ces juridictions, tant que les plaintes et répliques  s’échangent entre les parties en opposition au travers du tribunal,  l’instruction n’est pas terminée. Cette règle  qui devrait présenter  l’avantage de favoriser une bonne justice a surtout l’inconvénient  de favoriser le harceleur et donc une mauvaise justice. En effet, il  suffit que le pervers dans chaque réplique mette mensongèrement  en cause la victime pour que celle-ci soit obligée de répondre.  Alors l’instruction n’a plus de fin. Finalement, lorsque le jugement  intervient, il n’a plus de sens compte tenu du temps passé:  plusieurs années ou décennies. Les mensonges portent sur des faits  inconnus, des ragots, des appréciations fausses ou invérifiables,  etc. La victime est alors obligée, sans preuve, de se justifier dans  une mise en accusation sans fin. Dans la réplique suivante, chaque  justification est contredite quand elle ne sert pas de tremplin à  d’autres mises en causes mensongères. Cet état de fait est favorisé  par la surcharge de ces tribunaux qui voient dans la prolongation  de l’instruction une facilité de classification des dossiers: Plus  c’est long, plus le dossier devient volumineux et incompréhensible,  plus la solution favorise le fonctionnaire harceleur et dessert la  victime harcelée. La clôture de l’instruction n’est jamais imposée.  Lorsque enfin, le dossier est traité, les véritables éléments à charge  contre le pervers sont enfouis dans un fatras de mensonges  déclarés péremptoirement, contre vérités suggérées quand elles ne  sont pas affirmées, faux qui paraissent vrais et qui, pour le moins,   desservent la demande de la victime.

 

Les témoignages sont écrits :

 

 

Dans l’entreprise, de victime, le harcelé passe dans la  catégorie des harceleurs compte tenu de ses répliques défensives,  justifiées par les mystifications du harceleur, qui sont déclarées à  tous comme des attaques mensongères contre l’établissement. Plus  cela dure et plus son capital de victime chute tandis que son image  de harceleur se renforce

 

La Cour des Comptes

 

La cour des Comptes est une magistrature chargée de  vérifier les comptes des organismes et institutions publics et autres.  Elle ne peut pas répondre à une plainte de particulier. La mise à  l’écart d’un employé dans le cadre du harcèlement moral relève  des comptes de l’institution. La Cour des Comptes est en mesure  de demander au fonctionnaire responsable de cette institution de  rembourser le salaire de cet employé à l’Etat sur ses propres  deniers. A ma connaissance, cette possibilité n’a jamais été utilisée.  Ceci explique que dans la fonction publique, les mises au placard  soient si nombreuses. Dans le privé, la mise au placard se termine  par un départ volontaire ou non du harcelé, parfois du harceleur  mais c’est plus rare.

 

Il existe des chambres régionales chargées d’analyser les  comptes des institutions et organismes régionaux et un organisme  à vocation nationale qui a vocation d’analyser les comptes de la  nation mais aussi de quelques organismes à vocation nationale  décentralisés dans les régions. Les premières sont généralement  considérées comme efficaces et très capables de découvrir et  pécher des gros poissons. Elles ont l’inconvénient souvent d’être  déposséder de l’affaire par les Parisiens lorsque le poisson est trop  gros. Dans le dernier cas, le harcèlement en province est considéré  au niveau national, par ces mêmes parisiens, comme une  «représentation folklorique des mœurs et dérives provinciales»  qui ne méritent pas «qu’on s’y arrête» car c’est dans la nature des  choses que les provinciaux déraillent, c’est pour cela qu’ils sont en  province, dans le cas contraire ils officieraient dans la capitale  évidemment.

 

Le Jugement

 

A juridiction particulière: jugement particulier.

 

L’indemnité versée pour un décès par suicide à la suite d’un harcèlement moral sera basé sur l’indemnité versée en cas de licenciement : 6 mois de salaires. L’indemnité versée pour un  décès par accident de la route sera 5 fois à 10 fois plus élevé.

Ces 3 actions sont contradictoires et donc sont  favorables au pervers!

 

Ceci est vrai dans la fonction publique. Toute décision qui  fait grief au harcelé doit être mise en cause devant le tribunal  Administratif dans un délai de deux mois sinon, la décision est  réputée acceptée par le fonctionnaire. Ceci ne laisse aucune place à  la médiation.

 

Après avoir demandé l’annulation hiérarchique de la  décision qui lui fait grief et après avoir essuyer un refus justifié  puisque la décision a été prise sciemment afin de lui faire tort, la  victime dépose un recours au TA et entame une médiation dans le  délai de deux mois. Alors, la structure refuse toute négociation en  arguant du fait que «puisqu’un recours est déposé devant le TA, il  convient d’attendre la décision du TA. »

 

Cette attitude de la structure qui abrite un harceleur est  tout à fait justifiée. En effet:

 

--le dépôt du recours n’est pas suspensif, la décision  s’applique et donc fait mal là où il est prévu qu’elle fera mal.

 

--La structure et le harceleur savent très bien qu’ils ont tort  et que le  jugement du tribunal ne sera pas en leur faveur sauf s’il y  a erreur de la part du tribunal. L’intérêt de la structure et du  harceleur est donc de forcer cette erreur. Pour cela, dans les  répliques, ils multiplient les accusations mensongères, les contre  vérités, les faux sur tous les plans. Ceci a deux conséquences:

 

L’instruction va durer et cela est favorable au harceleur et  à la structure et défavorable au harcelé. En cas de  mutation, la disparition du harcelé de la structure atténue le  grief. La victime, hors de la structure préfère  habituellement abandonner toute poursuite qui ne lui  apportera qu’une satisfaction morale. Poursuivre l’action  en justice devient une perte de temps, un handicap pour le  nouveau poste, le réveil de faits douloureux qui ne  facilitent pas la guérison morale et psychologique et souvent coûteux.

 

Le tribunal va se trouver devant un dossier volumineux  dans lequel la plus part des éléments sont faux,  mensongers, se contredisent, sont contredits. Mettre en  évidence les mensonges, les faux, les contre vérités  nécessitent une véritable enquête avec interrogatoire des  protagonistes. Or l’instruction est uniquement écrite et  toute enquête est impossible.

Evidemment, il reste la victime hargneuse qui va jusqu’au  bout. C’est là que se situe la vengeance. Dans le harcèlement; ce  type de victime est rare et son gain (s’il existe)  n’est pas à la  hauteur des efforts qu’elle a fournis.

 

Conclusions

 

Dans le harcèlement, Ces 3 actions réclamation, médiation,  dépôt d’une plainte sont donc des actions contradictoires et  inefficaces, favorables au pervers. Dans ces conditions, le harcelé  n’a d’autres solutions et espérances que de crier à la vengeance et  d’agir en ce sens.

 

            Ceci explique les prises d’otages généralement familiales et  les catastrophes meurtrières qui parfois s’en suivent

 

pha

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