Des droits de la personne au Harcèlement et pire
L’ensemble de cette analyse
se réfère à l’ouvrage :
« Le harcèlement dans
l’enseignement. Causes. Conséquences. Solutions »
Editions L’HARMATTAN
Philippe ARQUES
(16/11, 18/11/2004,21/5/2005)
Dans une société démocratique, chacun d’entre nous a des droits et des devoirs. Ces droits et ces devoirs forment un équilibre avec pour conséquence que la société est démocratique. Parmi ces droits et ces devoirs, il existe les droits de la personne dont nous sommes tous affectés par les lois du pays ou la coutume et que nous devons respecter chez l’autre. Cet ensemble de droit de la personne est défini et reconnu fondamentalement dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (1948 ONU) et pour la France dans la Constitution de l’Etat qui se réfère à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.
Ces droits fondamentaux peuvent être résumés dans le droit de vivre heureux, en paix et en sécurité partout dans le pays dans le cadre du respect des lois démocratiques du pays.
Ceci est important car tout non-respect des droits fondamentaux d’une personne est un affront à la constitution de notre pays et donc relève de la justice de l’Etat mais aussi de celles des hommes, c’est-à-dire de chacun d’entre nous. Il est important de relire cette Déclaration Universelle, mais il est surtout impératif de la traduire en des mots et des phrases simples. Habituellement, cette traduction s’appelle charte d’éthique dans les pays d’Amérique du nord. En France, il y a le code de la politesse qui représente la base du respect des droits des personnes. Au delà, il faut parler d'une "éthique" à respecter
Dans les actions de tous les jours , entre deux personnes, le non-respect des droits d’une personne c’est, sans raison valable :
Figure 1
Un exemple d'abus de pouvoir en 1681:
La tenue des registres est faite par le Recteur.
Comparaison entre le baptème d'un enfant légitime et le baptème d'un enfant illégitime.
Pour le premier (en haut) est inscrit dans la marge "bap"
et pour le second "bastard" alors qu'il s'agit également d'un baptème.
A cette époque le terme de "Bastard" n'avait pas la connotation péjorative d'aujourd'hui, ce n'est pas une raison pour remplacer le terme de Baptème par ce terme.
D’une manière générale, sauf cas très particulier, le non-respect des droits fondamentaux d’une personne : c’est mettre mal à l’aise cette personne par des propos, des signes, des gestes, des bruits, des contacts physiques, des présentations écrites ou imagées qui ne respectent pas sa sensibilité.
Le harcèlement a reçu beaucoup de définitions dans lesquelles reviennent : l’agression, la répétition, l’abus de pouvoir dans la subordination. Sur le plan légal, certains pays codifient les actes, la répétition et l’abus, d’autres se contentent d’analyser et de juger le ressenti de la victime.
C'est une demande de soumission faite par le harceleur au harcelé.
Le harceleur tente de capter cette autonomie (réelle ou virtuelle) du harcelé, elle lui est refusée par le harcelé car l’autonomie est une qualité (ou un défaut) qui ne peut que s’apprendre et non se capter : comment donner une qualité (ou un défaut) ?
Pour l’obtenir : le harceleur met en place le harcèlement qui est un ensemble d’actions qui ne respecte pas les droits de la personne du harcelé.
L’autonomie : c'est définir ses propres objectifs dans le cadre de son propre libre arbitre caractérisé par des lois et des règles choisies qui n’interfèrent pas avec celle de la société ou de l'État lorsque ces derniers sont démocratiques.
Parce que les trois conditions suivantes sont présentes simultanément :
La situation est anormale, conflictuelle, sans motif grave à la hauteur des conséquences. Tout semble démesuré, exagéré, excessif. La raison n’intervient plus, tout devient affectif. Une analyse approfondie permet de reconnaître :
Souvent, une analyse historique permet de remarquer la répétition de la situation pour chacun des protagonistes puisque le harcelé est toujours autonome et le harceleur toujours en manque d’autonomie.
Comment analyser une situation de harcèlement
Il est très difficile d’analyser une situation de harcèlement car le harceleur à une propension à se placer en victime et le harcelé, lorsqu'il se défend, à se placer en agresseur. Une analyse rapide peut donc conduire à confondre l’un et l’autre si on ne prend pas en compte l’archaïsme des attitudes qui ne se révèle que dans une écoute renouvelée. Souvent, il est nécessaire de revenir à la genèse de la situation de harcèlement car, là, les attitudes sont encore primaires.
Vous rencontrez une personne,
est-elle harceleuse ?
A l'écouter, plusieurs points sont importants :
Lorsque dans une situation, les droits de la personne ne sont pas respectés et que personne ne proteste, alors le harcèlement n’est pas loin s’il n’est pas en train de commencer. Nombreuses sont les situations où le harcèlement n’est pas détectable. Comment le détecter et le reconnaître ? Quelles sont les différentes situations de harcèlement ?
Type de Harcèlement |
Situations de Harcèlement |
Harcelé |
Harceleur |
Arbitre |
Sigle |
Observations |
Timing |
Positif |
Relationnel et statique |
L’un |
L’autre |
|
|
Séduction amoureuse |
Quelques heures ou jours |
Relationnel et dynamique |
L’un |
L’autre |
|
|
Taquinerie |
||
Moral au travail |
Subordonné |
Supérieur ou arbitre |
|
|
Sortie d’un harcèlement moral |
Quelques semaines |
|
Familial |
Enfant |
Parent, Fratrie |
|
|
Protection, sécurisation |
Quelques années |
|
Négatif |
Conjugal |
L'un des conjoints |
L'autre |
Parents, Juge des divorces |
HC |
Divorce |
Quelques années |
Familial ascendant |
Parent |
Enfant |
L’autre parent |
HF |
Caprice |
Quelques années |
|
Familial descendant |
Enfant |
Parent |
L’autre parent |
HF |
Maltraitance |
Quelques années |
|
Familial horizontal |
Enfant |
Fratrie |
Parents |
HF |
Maltraitance |
Quelques années |
|
Moral au travail |
Travailleur |
Supérieur hiérarchique |
Chef d'unité |
HM |
Mise au placard |
Quelques mois |
|
Moral au travail |
Travailleurs |
Supérieur hiérarchique |
Chef d'unité |
HM |
La révolte des travailleurs s’appelle une mutinerie |
Quelques semaines |
|
Moral au travail |
Travailleur |
Les collègues |
Supérieur hiérarchique |
HM |
Mise à l’index |
Quelques années |
|
Moral au travail |
Supérieur hiérarchique |
Les subordonnés |
Chef d'unité |
HM |
Cabale |
Quelques semaines |
|
Politique | Dissident | L'Etat | Le Monde | HM | Apartheid | Quelques années | |
Guerre |
Une fraction de la population |
Les responsables de l'État vrai ou faux |
ONU |
G |
Génocide |
Quelques mois |
|
Sexuel |
Une femme ou un homme |
Une femme ou un homme |
La justice |
HS |
|
Quelques mois à Quelques minutes |
|
Moral et physique à l’école |
Etudiant |
Les étudiants d'une classe supérieure |
Chef d'établissement |
B |
Bizutage |
Quelques semaines |
|
Moral et physique à l’école |
Étudiant |
Autres étudiants |
Enseignants ou chef d'établissement |
I |
Brimade ou intimidation |
Quelques mois |
|
Réglementaire |
Enseignants |
Ministère de l’EN |
Ministre ? |
HR |
Changement des textes en permanence |
Plusieurs années |
Pour les harcèlements dont la durée n’excède pas une année, la durée et l’intensité du harcèlement interviennent par leur produit dans les conséquences ressenties par le harcelé. Un harcèlement de faible intensité pendant une longue durée est aussi pernicieux qu’un harcèlement intense pendant quelques minutes.
Dans le cas des harcèlements dont la durée est de plusieurs années (harcèlement conjugal et familial mais aussi harcèlement moral), une autre composante intervient : l’évolution de la personnalité de chaque protagoniste. Dans le cas du harceleur, la personnalité est figée dans des processus archaïques de la petite enfance. Sans un travail sur lui-même, le harceleur est incapable d’évoluer si ce n’est en renforçant ces processus archaïques. Pour le harcelé, le renforcement de l’autonomie peut être la conséquence d’une évolution naturelle dans l’acquisition de nouvelles expériences ou d’une évolution forcée dans la recherche d’une sortie de la traque agressive ou des deux, l’une appelant l’autre. Cette évolution, lorsqu’elle existe, d’une part renforce le harcèlement, mais, d’autre part, place le harcelé en position de leader moral capable de donner une solution positive à cette dérive.
Les conséquences du harcèlement sont proportionnelles à l’énergie qui est développée pendant la relation.
Si Pe est la puissance émotive constante ressentie par le harcelé, et t le temps que dure ce harcèlement, l’énergie négative E qui est développée chez le harcelé par cette relation est le produit de cette puissance (supposée constante) par le temps. Dans le cas du harcèlement positif, la puissance Pe est positive et négative dans le cas du harcèlement négatif.
Si la puissance émotive varie au gré des agressions (cas du harcèlement moral), alors il faut intégrer mathématiquement la puissance en fonction du temps pour obtenir l’énergie.
Chacun d’entre nous a une capacité, c’est-à-dire une puissance instantanée Pi, d’intégration des émotions négatives, et donc de la puissance qui est contenue dans ces émotions, plus ou moins élevée. Il a également une capacité à réagir donc une puissance de réaction. Lorsque le harcèlement dure, il est alors préférable de parler d’‘énergie d’intégration Ei ou de réaction Er.
Dans certain cas, ces puissances ou énergies d’intégration et de réaction peuvent être globalement et indirectement chiffrées. Ainsi dans le cas d’une relation amoureuse, l’énergie d’intégration et de réaction aux émotions positives se traduit par un mariage et donc par un coût directement proportionnel. Dans le cas inverse : harcèlement conjugal, les énergies d’intégration et de réaction aux émotions négatives peuvent être chiffrées par le coût total du divorce.
En considérant ces deux énergies, il est possible de rejoindre le concept de résilience (= résistance au choc) de Boris Cyrulnick. L’énergie d’intégration est proportionnelle à l’estime de soi. L’énergie de réaction est liée aux capacités de mises en place de stratégie archaïque ou non c’est-à-dire finalement à l’autonomie de la personne.
Dans le cas d’une agression unique (non respect des droits de la personne), il est préférable de parler de puissance tandis que dans le cas du harcèlement moral, c’est l’énergie qui intervient.
Cas d’une agression verbale instantanée qui ne se renouvelle pas :
1. Si la puissance d’intégration de l’agressé est supérieure à la puissance émotive contenue dans l’agression, alors l’agressé va très vite retrouver un équilibre émotionnel normal. Dans certain cas, il va même recevoir cette agression sans réagir en l’intégrant immédiatement.
2. Si la puissance d’intégration de l’agressé est inférieure à la puissance émotive contenue dans l’agression, alors l’agressé va réagir vivement en développant une puissance d’attaque plus ou moins élevée vis-à-vis de son agresseur. Lorsque la puissance d’intégration est nulle ou très faible, alors le harcelé entre en phase de mécontentement de l’autre mais aussi de lui-même.
Dans le cas du harcèlement moral, les agressions se succèdent, il est donc nécessaire de considérer l’énergie en intégrant dans le temps la puissance émotive développée par chaque agression.
1. Si l’énergie d’intégration de l’agressé est supérieure en moyenne à l’énergie émotive contenue dans les agressions, alors l’agressé va retrouver un équilibre émotionnel normal au fur et à mesure que le temps passe.
2. Si l’énergie d’intégration de l’agressé est inférieure en moyenne à l’énergie émotive contenue dans les agressions, alors l’agressé va réagir vivement en développant une énergie d’attaque plus ou moins élevée vis-à-vis de son agresseur. Cette énergie d’intégration est proportionnelle à l’estime de soi du harcelé. Lorsque cette énergie d’intégration est nulle ou très faible, alors le harcelé entre en phase de dépression.
L’analyse en fonction du temps des rapports entre ces différentes énergies permet d’expliquer rationnellement l’attitude considérée parfois comme irrationnelle du harcelé. Face à un harcèlement moral, le harcelé peut réagir (énergie d’attaque) par la fuite, la dépression, l’indifférence ou l’agression totale.
Où le harcèlement a-t-il lieu ?
Nous avons démontré que le harcèlement moral est le refus de l'acceptation de l'autonomie du harcelé par le harceleur. Le harceleur n'étant pas suffisamment autonome, souhaite capter cette autonomie que le harcelé refuse de lui céder. Le harceleur met en place le harcèlement pour l'y obliger.
Pour que le harcèlement
ait lieu, il faut donc réunir :
· Un pervers en grande autonomie.
· Une victime autonome sur le plan professionnel.
· Aucun arbitre évidemment.
· Une structure qui n'autorise pas l'autonomie et qui l'a rejette comme
n'étant pas une qualité reconnue sur le plan professionnel.
Les structures qui n'autorisent
pas l'autonomie, qui l'a rejettent sur le plan professionnel sont les structures
hiérarchisées et très hiérarchisées comme
:
· les structures militaires
· les administrations
· les établissements d'enseignement
· les hôpitaux
· Les entreprises ou la hiérarchisation du personnel est favorisé
et valorisé comme par exemple les entreprises publiques qui ne sont
pas des administrations ni des entreprises industrielles.
· Tout service ou unité dans lequel le responsable considère
que la hiérarchisation du service est un facteur important d'efficacité
et de qualité.
Le harcèlement se développera donc d'autant mieux dans ce type de structure.
Les structures qui autorisent
l'autonomie des personnels sont celles dans lesquelles la hiérarchisation
est pauvre :
· Les organisations non-gouvernementales (ONG) où souvent le
personnel est mal rétribué car présent avec une notion
de dévouement à une cause (et non à une personne).
· Les associations bénévoles pour lesquelles le personnel
est essentiellement non rétribué.
· Les entreprises ou les parts d'entreprises dans lesquelles une grande
autonomie est demandée au personnel, autonomie résultant de
la position de ce personnel isolé, loin de du siège social.
· Les structures dans lesquelles évoluent des travailleurs indépendants
: cabinet médical.
Qu'est-ce que la manipulation ?
Manipuler une personne c'est amener cette personne à agir de son plein gré contre son opinion personnelle et donc son libre arbitre par le mensonge et la tromperie.
Le harcelé est autonome et, en l'absence de harcèlement, fonctionne avec son libre arbitre. Manipuler le harcelé revient à le rendre dépendant. On retrouve ici l'une des " qualités " du harcèlement : " le harcèlement est une demande de soumission que le harceleur impose au harcelé ".
Faire agir le harcelé contre
sa propre opinion nécessite une dramatisation artificielle de l'action
et de ses conséquences afin de justifier que le harcelé change
d'opinion et de libre arbitre sans perdre la face vis-à-vis de lui
même et des autres.
Il sait qu'il perd la face vis-à-vis du harceleur (puisque celui-ci
lui impose une action contre son gré par la dramatisation) mais fait
comme ci cette perte n'existait pas pour que le harceleur n'en rajoute pas
dans la dramatisation et donc dans la culpabilisation.
Cette dramatisation se retrouve dans le harcèlement conjugal mais aussi
moral dans les dévalorisations de la personne qui sont liées
à un jugement du harceleur, jugement qui n'a pas lieu d'être.
" Que tu es maladroit, mon
pauvre " comprend implicitement deux dramatisations :
* "la maladresse" qui ne peut qu'apporter du négatif dans
l'action selon le harceleur alors que la maladresse n'est que la conséquence
de l'apprentissage c'est-à-dire du commencement de la répétition
de l'action.
*" mon pauvre " qui suggère une pauvreté mentale (handicap
?) et intellectuelle et physique dans l'action toujours selon le harceleur.
C'est un jugement qui n'est basé sur aucune analyse contradictoire.
Comment sortir d’une situation de harcèlement ?
Il n’y a pas de solution classique. Chaque harcèlement est unique et donc sa sortie pour le harcelé l’est également. En dehors de la soumission au harceleur et en l’absence d’arbitre efficace (rappelons que s’il y avait un arbitre efficace, il n’y aurait pas de harcèlement), le mode de sortie ne dépend que des qualités d’autonomie réelles du harcelé et de ses compétences à maîtriser une situation qui lui échappe en permanence.
Le
harcèlement physique ou moral peut se développer dans différentes
situations sociales avec plus ou moins d'intensité et de succès
et se terminer dans la séparation, la réconciliation et la haine
qui réclame la vengeance.
1) La séparation caractérise un échec et ne met pas toujours
fin au processus de harcèlement.
2) Nous avons quelques connaissances sur les mécanismes de réconciliation,
une fois le harcèlement terminé. Depuis plusieurs années,
ces mécanismes sont mis en place afin d'éviter que des procédures
de vengeance soient appliquées. Les connaissances dont nous disposons
proviennent de l'observation des comportements enfantins à la fin des
disputes et des processus qui sont mis en place à la fin des conflits
religieux, ethniques ou d'Etats. Elles sont maintenant clairement explicitées
et peuvent s'appliquer au harcèlement. La réconciliation ne
peut aboutir que si plusieurs étapes sont respectées : Vérité,
Réhabilitation, Jugement, Prévention.
3) La vengeance est l'acte qui, en l'absence d'apaisement, permet à
la victime de tourner la page et de faire son deuil des violences qu'elle
a subies. Il existe deux sortes de revanche: celle qui est provoquée
sciemment et volontairement avec l'objectif de faire mal et celle qui résulte
d'une autodestruction du harceleur.
Principes du harcèlement
Dans le harcèlement, il y a plusieurs principes
· Premier principe: Le harcèlement est une demande de
soumission du harceleur au harcelé. Soumettez vous et vous serez tranquille.
· Deuxième principe: "le harceleur recommence toujours
à harceler sa victime" ou une autre car pour lui : harceler c'est
compenser une angoisse qui remonte à l'enfance et dont il n'a pas conscience
· Troisième principe: Il y a harcèlement car il
n'y a pas d'arbitre avec le corollaire que pour faire cesser le harcèlement,
il faut obliger un arbitre à se révéler.
· Quatrième principe: La sortie du harcèlement
(en absence d'arbitre) est unique et que c'est le harcelé qui doit
la construire.
· Cinquième principe: Dans le harcèlement, c'est
toujours le harcelé qui gagne à la condition qu'il prenne son
destin en main c'est-à-dire qu'il devienne " meneur ".